Suite à la censure du film par l’Etat algérien, et pour contrecarrer l’effet de mon offensive auprès de la presse algérienne qui en majorité s’en est ému, et aussi de l’effet des projections privées que j’avais réussi à organiser à Alger, la Ministre de la culture Khalida Messaoudi tente de mobiliser anciens moujahidine et intellectuels. 5 d’entre eux répondront à ses vœux. Ils ont tous appartenu au même parti marxiste que moi, le PAGS que j’ai quitté au début 1991, et sans doute aussi à la Sécurité militaire, puisque j’avais déjà découvert qu’une grande partie de sa direction en faisait partie…
Benchicou 2 contre JPL – 24 Janv 08
Benchicou contre JPL- 15-01-08-1
JPL 2 repond a Benchicou + Mouats contre JPL
Ex-directeur du Matin, il est mis en prison pour avoir pris parti, dans la guerre des clans, notamment en faveur de ceux qui s’opposent au nouveau président Bouteflika. Libéré, il s’installe à Paris pour y gérer ses affaires.
…Algérie, histoires à ne pas dire prend des libertés révoltantes avec une page sanglante de notre passé. Le film repose sur une chimère, un sournois raccourci et un dangereux amalgame. La chimère est racontée de façon récurrente : indigènes et pieds-noirs vivaient en excellent voisinage. Le raccourci est soufflé à l’oreille : cette convivialité fraternelle a été brisée par la guerre de Libération qui a emprunté des méthodes terroristes (pose de bombes, attentats) qu’on a retrouvées trente ans plus tard chez le GIA. L’amalgame devient ainsi suggéré : l’ALN, à bien y regarder, est la génitrice du GIA. La conclusion vient d’elle-même : l’indépendance arrachée au moyen de «procédés génocidaires », en brisant l’harmonie fraternelle entre indigènes et pieds-noirs, a installé une haine tenace qui fait s’entretuer, trente ans après, «les indigènes entre eux». Pas une image sur les humiliations subies par les populations indigènes, sur la nature barbare du colonialisme ni sur l’injustice qui les a fait se soulever. Le film de Lledo privilégie une vue de l’esprit (j’ignore dans quelle Algérie l’auteur a vu cohabiter pieds-noirs et arabes dans la félicité), des omissions et des anathèmes pour regretter qu’en 1962 nous n’ayons pas épousé le modèle sud-africain sur la cohabitation.
Jean-Pierre Lledo répond à Benchicou (SOIR D’ALGERIE)
…Je ne dis jamais qu’ « indigènes et pieds noirs vivaient en excellent voisinage », comme me le prête notre désinformateur, car le film n’a aucune prétention généralisante. Il montre des individus singuliers qui témoignent de leur vie sans se demander au préalable si leur mémoire est conforme à l’histoire officielle ! Contrairement à Benchicou, pour moi, « les Pieds-Noirs » sont aussi différenciés que « les Arabes », que « les Allemands », que « les Américains », etc… Il ne viendrait aujourd’hui à personne l’idée de dire par exemple que « les Algériens » sont des tueurs, parce que des dizaines de milliers d’entre eux le sont devenus !
Que Benchicou me permette de lui retourner la question : dans quelle Algérie a-t-il vécu, lui qui est de ma génération, pour n’avoir jamais été témoin de relations de bon voisinage entre Juifs, musulmans, chrétiens et athées ?!!! Ou alors doit-il son aveuglement à quelques préjugés racistes, dont l’ex-directeur du Matin laissa éclabousser son quotidien lorsqu’un responsable de l’Etat algérien y fut stigmatisé pour ses origines juives ? Il est vrai qu’il dut s’en repentir … devant les seuls à lui avoir demandé des comptes – non, ni ses lecteurs, ni le gouvernement algérien, ni l’opinion publique algérienne – je veux parler des rédacteurs du quotidien français « Le Monde »…
Réponse de Benchicou
….Dans sa réponse passionnée, le cinéaste me traite de «désinformateur» et nie avoir soutenu cette thèse. Or, voilà comment il s’explique lui-même dans le synopsis du film, disponible sur internet : «43 ans après l’exode massif des Juifs et des Pieds-noirs, que reste-t-il de cette cohabitation dans la mémoire des Algériens d’origine berbéroarabo- musulmane ? (…) Les relations intercommunautaires n’ont-elles pas été aussi attraction, respect, reconnaissance et souvenirs heureux ?»…
…Obéissant aux critères de la nostalgérie, le film dévalorise la résistance nationale en la reléguant au rang d’une abominable «sauvagerie», du même ordre que celle du GIA ou de l’OAS. Tout le long du film l’ALN est présentée comme une armée de cyniques égorgeurs et d’aveugles poseurs de bombes…
…Tortionnaires et torturés renvoyés dos à dos par M. Lledo qui, pour l’occasion, se prend d’amour pour l’Algérie comme Tartuffe aima Elmire….
…Et c’est ainsi que l’indépendance nationale devient, dans le film, non plus une libération mais une tragédie voulue par les «tueurs de l’ALN et du FLN», le début d’un immense «échec» qui a conduit au terrorisme…
2ème Réponse de JP Lledo à Benchicou
…La phrase citée de mon synopsis, a été tronquée. On me fait dire : «(…) les relations intercommunautaires n’ont-elles pas été aussi attraction, respect, reconnaissance et souvenirs heureux ?» Or, à la place des trois points de suspension, il y avait 3 mots : «Méfiance, peur et malheur, les relations, etc.» …
… Je ne renvoie personne dos à dos. Je dis au contraire dans mon film que «si il est normal qu’une armée coloniale tue au faciès, puisqu’elle fonctionne au racisme — ce sont tous des Arabes — cela n’est pas concevable d’une armée de libération». J’ai en effet encore l’idéalisme de penser qu’on peut se dresser contre l’injustice, sans reprendre la pensée haineuse de l’adversaire, ni ses méthodes. Et effectivement, je n’arriverai jamais à considérer qu’il soit particulièrement glorieux ou «révolutionnaire» d’égorger en quelques heures, des centaines de femmes, d’enfants, et de vieillards. Et ce, qu’ils aient été coupables de ne pas être musulmans, comme ces familles de mineurs d’El Alia, ou ces simples citoyens d’Alger, ou d’Oran. Ou comme à Melouza, de rester fidèle à Messali Hadj, père du nationalisme depuis les années 1930 : action qui, comme on le sait, fut dirigée par cet officier responsable de l’ALN, Mohammedi Saïd, qui commença sa carrière militaire dans l’armée allemande hitlérienne, et qui la finit dans les rangs du FIS dont il fut un député, en ayant été au passage un des principaux responsables de l’Etat indépendant. Ou comme au moment de l’indépendance, d’avoir eu un père ou un frère enrôlés dans les forces harkies. Ceci dit, même si les grandes causes, chez nous comme ailleurs, ont eu leurs salauds — car il faudrait que l’on s’habitue à l’idée que notre pays est un pays comme les autres ! — on ne trouvera jamais chez moi la formule globalisante «les tueurs de l’ALN et du FLN» , comme les tendancieux guillemets le suggèrent….