Point de vue du Gal Maurice Faivre – 5 Mars 2008

Dans ce documentaire de 2heures 40, l’Algérien Lledo, d’origine à la fois juive, berbère et espagnole, a l’ambition de montrer ce qui reste de la cohabitation des communautés dans la mémoire des Algériens. Le film comprend quatre séquences qui sont emblématiques de l’histoire de la guerre d’Algérie : – le massacre du 20 août 1955 à Philippeville, qui est le vrai début de la guerre – la bataille d’Alger, marquée par les attentats contre des civils innocents –  l’assassinat, le 22 juin 1961, du musicien arabo-andalou Raymond, qui entraîne l’exode de la population juive  – le massacre du 5 juillet 1962 à Oran suivi de l’exode des Européens. Ces derniers sont en effet les absents du film.

Le premier épisode met face à face un enseignant dont la famille a disparu dans la répression du 20 août, et les terroristes de l’ALN qui ont massacré les Européens de la mine d’El Alia. La bataille d’Alger est commentée par une animatrice de la radio, au nom évocateur de Katiba, confrontée à la terroriste Louisa Ighilariz. L’histoire de Cheikh Raymond est illustrée par des musiciens, en l’absence du personnage principal qui s’est retiré du film en raison des interdits ministériels. A Oran, le jeune metteur en scène KheÏreddine s’efforce de faire parler des protagonistes du drame de 1962. Les dialogues sont accompagnés et soutenus par les chants sacrés de l’Andalousie, interprètés par la kabyle Hayet Ayad.

Ce film est passionné et passionnant, il montre comment le fanatisme islamique peut transformer  des hommes simples en racistes et en tueurs de femmes, d’enfants et de religieux (comme à Tibhirine). A Lledo qui leur demande pourquoi ils tuaient des civils, ils répondent que le gaouri, c’est l’ennemi, et que cette tuerie incitera les femmes européennes (c’est elles qui commandent !) à quitter l’Algérie.  Quant à Ighilariz, elle met en avant la faiblesse des résistants par rapport à la logistique de l’armée coloniale (sic). Telle qu’elle est présentée par ces fanatiques, l’histoire de la révolution n’est pas exempte d’erreurs historiques.

L’homme du peuple en revanche, se souvient des bonnes relations qui existaient entre pieds noirs et musulmans. « On était heureux, on avait tout ce qu’on voulait » dit l’un. Le jeune de la casbah d’Alger se moque de l’histoire de la révolution, il demande à vivre  en paix, aujourd’hui. Les femmes d’Oran, qui se souviennent de besame mucho, ont pleuré en regardant leurs amis européens prendre le bateau. Le massacre du 5 juillet est pour les plus lucides, une atteinte à l’honneur. Ce jour-là, Oran a perdu son âme !

Bien que financé à moitié par l’Algérie, le film est interdit dans ce pays, soi-disant pour des raisons de non-respect du contrat (qui prévoyait une durée de 53 minutes) ; en réalité, comme le dit le cinéaste Merbah, c’est parce qu’il ternit l’histoire de l’Algérie et de sa révolution.

Quant à Lledo, il se demande si une Algérie multi-ethnique, libre et fraternelle, n’était pas possibleCe portrait de l’Absent, c’est bien une histoire à ne pas dire !

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