Dominique Widemann
https://www.humanite.fr/node/387901
Mercredi, 27 Février, 2008
Algérie,
histoires à ne pas dire,
de Jean-Pierre Lledo
Algérie-France. 2 h 40.
D’abord des photos en noir et blanc comme dans tous les albums. Visages aux sourires posés, d’un autre temps, couples… Ils étaient d’origine française, italienne, maltaise… et vivaient en Algérie au temps de la colonisation. Arrière-petits-enfants d’immigrés installés là depuis un siècle, familles juives qui fuyaient les persécutions depuis le XVe siècle. Ils furent près d’un million à quitter l’Algérie indépendante. Violences de fin de guerre ou épisodes plus sinistres ? Que reste-t-il d’eux dans la mémoire des berbéro-arabo-musulmans de l’Algérie contemporaine ? Comment retracer les figures des absents, amis, voisins, ouvriers agricoles ou marchandes de poissons, propriétaires fonciers ou repasseuses à la tâche, partisans ou opposants au colonialisme, un jour globalisés dans la formule « présence étrangère ». Jean-Pierre Lledo invite donc quatre personnages à retisser leurs histoires personnelles que l’histoire officielle condamne à l’oubli. Nostalgiques de l’Algérie française, chantres des « bienfaits de la colonisation », passez votre chemin sanglant. Ici, des hommes et des femmes entreprennent avec courage un trajet de vérité douloureux, chaotique. Le réalisateur leur emboîte le pas, dans une proximité sensible. Tous sont fiers de l’indépendance de leur nation. Et se souviennent. La confusion ne vient pas des souvenirs mais de ce que leurs sources coulaient en souterrain. Les mots, formulés à l’air libre devant caméra et micro, ne sont plus protégés de leur fugacité. Quel pays construire dans l’ignorance et le mensonge ? Les mots qui volent à l’air libre devant micro et caméra, fumées de mémoires fixées sur pellicule pour que les incertitudes s’élèvent jusqu’aux questionnements, que les contradictions pétrissent des vérités humaines, il nous faut à notre tour arpenter le vif de l’histoire, succédant aux pas que trace Jean-Pierre Lledo, cinéaste algérien, amoureux de la fraternité. D. W.