L’Algérie doit aussi demander pardon (Paris 17 juin 2009)

Demande de réponse à Respublica.

17 juin 2009

Chers amis,

J’apprécie souvent les contributions de Respublica et notam­ment celles de H. Arabdiou.

Son dernier article, paru dans votre dernière édition : « La barbarie du 8 mai 1945 en Algérie : la France doit demander pardon », appelle cependant trois remarques de ma part :

 

1 – Dès les premières heures de l’insurrection nationaliste du 8 mai 45, à Sétif, puis dans tout l’est-algérien « des hom­mes, des femmes et des enfants d’origine européenne, quel­quefois plusieurs membres d’une même famille », sont « tués, mutilés, ou massacrés… », et ce avec « des gourdins, des ha­ches et des couteaux ». Il y aurait eu « 103 morts d’origine européenne » (et juive, je précise !).

Après un tel tableau, et connaissant les positions humanistes de l’auteur, je m’étonne que seul les crimes de l’armée fran­çaise soient caractérisés comme de la « barbarie ». Et qu’en conséquence, ne soit pas exprimée la même demande de « pardon » vis-à-vis des chefs nationalistes de 1945 qui devien­dront, pour l’essentiel, les chefs du FLN durant la guerre, puis les chefs de l’Algérie jusqu’à aujourd’hui.

« Barbarie » et « pardon » ont-ils une signification universelle ou ethnique ?

2Je précise que la plupart de ces victimes furent ciblées au faciès. Nombreuses étaient des antiracistes comme le maire de Sétif Deluca, ami de Ferhat Abbas, le Président du Tribunal d’Alger qui disculpa un Imam accusé d’avoir assassiné le muphti d’Alger en 1938, pour lequel était requis la condam­nation à mort, et le postier communiste Albert Denier, connu comme un partisan de l’émancipation de la population arabo-musulmane.

 

3 – Ces massacres d’Européens et de Juifs, sont attribués à « des campagnards musulmans », laissant penser à un mouve­ment spontané, une sorte de jacquerie. Or ce mouvement « spontané » se produisit simultanément dans tout l’Est algé­rien, et même ailleurs (Ouest, Centre et Kabylie).

Pas une seule fois, l’auteur ne dit qu’une insurrection se préparait depuis plusieurs mois, dont le but était de former un gouvernement provisoire qui aurait envoyé un représentant à la Conférence de San Francisco (avril-juin 1945) qui était en train de créer l’ONU. Ce que quelques dirigeants nationalistes algériens et histo­riens ont déjà écrit, notamment Mohamed Harbi et Roger Vétillard dans Sétif , Mai 1945 Massacres en Algérie (éd. Paris), dernier ouvrage le plus complet sur la question, sorti en 2008.

Merci de me dire s’il sera possible de publier ce texte.

Bien à vous

Jean-Pierre Lledo, Cinéaste algérien

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N.B. : Bien entendu, cette réponse envoyée par email n’a jamais été publiée dans Respublica…

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