Contraint de quitter l’Algérie en 1994, suite à l’assassinat systématique des intellectuels par les islamistes, et en exil à Marseille, Denis Martinez, peintre algérien d’origine espagnole, ose pour la première fois parler des souffrances endurées à cause de son identité, et ce depuis l’indépendance de l’Algérie en 1962…
Tourné en 1996, puis en 1998.
Diffusé en 1999 sur Planète.
Denis Martinez, un peintre algérien connu pour sa peinture pleine de violence, pour son opposition aux dogmes de l’art officiel et pour son tonus pédagogique qui a contaminé plusieurs générations de jeunes peintres, a été contraint de quitter l’Algérie, pour la première fois depuis l’indépendance, suite à l’assassinat systématique d’intellectuels et d’artistes par le mouvement intégriste (dont le directeur de l’Ecole des Beaux-arts d’Alger où il enseignait).
Depuis près de deux ans, il a jeté l’ancre à Marseille…..
A Marseille, une quinzaine d’artistes-peintres, qui furent tous ses anciens élèves, investiront une ancienne usine de tabac désaffectée, pour non pas “exposer”, mais “intervenir” durant une semaine entière, sur les murs, le sol et les piliers d’un des vastes espaces de La Friche de la Belle de Mai, devenu un lieu de rencontres et d’expérimentation artistique…..
Presque tous viendront de France et d’Europe où ils résident depuis peu.
Quelques uns doivent arriver d’Alger, accompagnés d’un fameux groupe de chanteurs du Sud, connu pour son interprétation de “l’Ahellil”, à l’origine chant de peine et d’espoir des esclaves noirs déportés……..
Aux récits de souffrance de l’artiste bientôt sexagénaire, renvoyé par l’histoire aux questions les plus essentielles lièes à sa propre identité et histoire d’homme et d’artiste, se juxtaposent les engagements graves mais pleins de fougue de ses anciens élèves qui transformeront l’ancien parking obscur de la Friche, en une lumineuse Oasis.
Plutôt que la reconstitution nostalgique d’un paradis perdu, “L’oasis de la Belle de Mai” progresse vers l’exorcisme de la mort et de l’exil, comme les méandres d’une calligraphie tourmentée.
Et est-ce un hasard si l’expérience cathartique des jeunes peintres algériens se posant comme un pansement sur les plaies ouvertes du Maitre, ait précisément lieu dans cet underground de la Friche, où se sont mêlées les sueurs d’exilés du monde entier, échoués pour quelques temps ou à jamais dans cette ville-métaphore qu’est Marseille ?
Banni, exclu, abandonné, l’exilé est-il une sorte d’orphelin dont le sceau de bâtardise resterait à jamais gravé ?
Peut-on “s’adapter”, c’est à dire être adopté, sans trahir celui que l’on a été? Surtout lorsqu’on vient d’un ensemble méditerranéen baignant dans une culture de la fidélité, ou trahison et déshonneur sont synonymes ?
Tout en sachant que cet “Oasis de la Belle de Mai” ne répondra probablement que partiellement à toutes les interrogations auxquelles les différentes phases et faces de l’exil n’ont cessé de m’exposer depuis mon départ d’Alger,
j’irai donc à Marseille avec l’espoir secret des pèlerins qu’aucun doute ne peut amoindrir: trouver le remède au mal profond et pourquoi pas en revenir miraculé…….
Avec aussi cette utopie de Marseille décrite de façon si émouvante dans “Total Khéops”, ce premier polar de Jean-Claude IZZO, (que l’on entendra dès la première image) :
“…Une utopie. L’unique utopie du monde.
Un lieu où n’importe qui, de n’importe quelle couleur,
pouvait descendre d’un bateau, ou d’un train,
sa valise à la main, sans un sou en poche,
et se fondre dans le flot des autres hommes.
Une ville où, à peine le pied posé sur le sol,
cet homme pouvait dire:
“ C’est ici. Je suis chez moi.”
FICHE TECHNIQUE ET ARTISTIQUE
59 mn, couleur, Bétacam.
Produit par Io Production et Image Plus. Avec le soutien du CNC.
Diffusé sur Planète en 1999.
Ont collaboré à ce film les artistes – peintres algériens, exilés en France, suivants :
Denis Martinez, et ses anciens élèves de l’Ecole des Beaux-Arts :
Adel Abdessemed, Noureddine Bouder, Noureddine Ferroukhi, Tarik Mesli, Mourad Messouber, Rachid Nacib, Pedro Selloum, Karim Sergoua,
Ainsi que le caricaturiste Faty Bourayou, et le poète Abdelhamid Laghouati.
Scénario, réalisation et commentaires : Jean-Pierre Lledo, , Image : Tony Coco Villoin, Son : Sylvain Girardeau, Montage : Marie Colonna, Photographe de plateau : Cécile Sylvestri.
Produit par Dominique Pailler