2 courts-métrages tournés en 1992 et finis en 1993.
“Femmes en Crue”
Portrait d’un hameau d’une région berbérophone et montagneuse (Chenoua), à travers la problématique de l’analphabétisme féminin.
Face aux discours utilitaires et résignés des hommes, ceux existentiels et révoltés des femmes.
Diffusé par la TV algérienne, le 8 Mars 93.
“Bateau Perdu”
Enfants abandonnés depuis l’indépendance, devenus des adultes abandonnés, ils sont en quête d’un Père : l’Etat ou les islamistes ? Leur rêve : devenir marin.
Métaphore de l’Algérie contemporaine.
1993 – “FEMMES EN CRUE”
Scénario et réalisation : Jean-Pierre Lledo
26 mn, produit par l’ANAF, diffusé par la TV algérienne, le 8 Mars 1993.
Présenté à la Cinémathèque de Chaillot, par ADDOC et le CISIA, en Octobre 1993.
Et aux “Mardis de la SCAM” (25/1/94).
Portrait d’un hameau d’une région montagneuse, à travers la problématique de l’analphabétisme féminin, et ce au moment où la vie politique s’anime, marqué par la montée en flèche de l’islamisme et des tentatives progressistes de s’y opposer. Face aux discours utilitaires des hommes, ceux existentiels des femmes cloitrées mais qui refusent leur sort.
1993 – “BATEAU PERDU”
Scénario et réalisation : Jean-Pierre Lledo
26 mn, produit par l’ANAF, diffusé par la Cinémathèque.
Présenté à la Cinémathèque de Chaillot, par ADDOC et le CISIA, en Octobre 1993.
Mention Spéciale du Jury au Festival d’Auxerre, 1995.
Dans la banlieue d’Alger, des enfants abandonnés devenus des adultes abandonnés dont la plupart rêvent de devenir marins : métaphore d’une Algérie en quête de nouveaux repères…
EQUIPE TECHNIQUE POUR LES DEUX FILMS
Caméra : ; Son : ; Montage : .
PRESENTATIONS
Le tournage de ces 2 films a été rendu possible grâce à la nouvelle configuration politique qui met fin au parti unique du FLN et ouvre une ère de pluralisme à partir de 1989, ce dont profiteront les islamistes et mènera a une terrible guerre civile qui à partir de 1993 durera près de 7 ans (200 000 morts selon le président Bouteflika).
Auparavant le documentaire sur des sujets sociaux était impensable. J’en fis l’expérience. Mon 1er film ‘’Comment ca va ?’’ (sur les problèmes de la santé) à peine terminé me fut subtilisé ! Mon second ‘’Le Flambeau brûlera toujours’’ fut refusé par la TV…. Ce qui par la suite me poussa à ne faire que des films documentaires sur la peinture, et même là, les choses ne furent pas faciles…
En fait en ces temps-là, le documentaire, comme regard vrai sur le réel n’existait pas (cf mes articles sur le documentaire en Algérie). J’étais quasiment le seul à m’y être aventuré. Même les cinéastes amateurs qui n’avaient pourtant pas beaucoup d’argent, s’orientaient vers la fiction.
Donc en 1992, un ami qui travaillait au Ministère du Travail, me demanda si ça m’intéressait de faire 2 films, un sur l’analphabétisme féminin (un véritable fléau qui concernait plus de 7 millions de femmes), et l’autre sur le thème des enfants abandonnés. J’avais toute latitude pour la réalisation. J’acceptai.
“FEMMES EN CRUE”
Je choisis un petit village, Sidi Moussa, dans le Mont Chenoua (berbérophone) qui se trouve juste après la ville de Tipaza, célébrée par Camus, parce qu’un directeur d’école menait un combat pour que les filles aillent à l’école et surtout pour qu’après le primaire, elle puissent poursuivre leurs études, ce qui était très rarement acceptée par les familles, et ce y compris dans ce village considéré comme ‘’progressiste’’ où les islamistes avaient été vaincus aux élections communales de 1990. Et aussi parce que ce directeur m’avait assuré que j’aurais accès aux jeunes filles, car il avat obtenu l’accord des pères… Mais quand j’arrivai avec mon équipe, personne n’accepta ! Je parlai donc avec les pères ! Et l’un d’entre eux accepta quand même que mes 2 assistantes puissent enregistrer au magnétophone ses 3 filles. Ce qu’elles disent est encore plus fort sans images d’elles, justes avec leur maison filmée de l’extérieur. Ce sont des témoignages de prisonnières. Plus qu’émouvant.
A peine terminé, le film passa à ma grande surprise à la TV, pour la Journée internationale de la Femme du 8 Mars 1993. C’était la première fois que cela m’arrivait. Le directeur de l’Institut de l’alphabétisation l’avait vivement conseillé au directeur de la TV. Je compris vite pourquoi. Durant la préparation du film, j’avais parlé avec lui dans son bureau. Mais les manuels qu’ils produisaient pour l’alphabétisation étaient minables. Manque d’argent, m’avait-il dit, alors que le plancher de son immense bureau était rempli d’appareils électroniques de grande valeur de toutes sortes… Très inquiet du film que j’allais faire, il dut être rassuré, quand je l’invitais à une projection, de constater que je n’avais rien dit de son travail…
Le film passa donc à la TV mais à un certain moment, je sursautai : on avait censuré un plan… Et ce plan, c’était dans un champ, un plan moyen d’un coq montant une poule ! Ce qui donna lieu à un billet d’humour d’un journaliste qui un an plus tard sera assassiné par les islamistes… (le billet est dans le dossier)
“BATEAU PERDU”
Il faut tout d’abord savoir que la réalité de l’enfance abandonnée est très mal acceptée par toutes les sociétés musulmanes. Un véritable tabou. De plus, la loi islamique interdit la véritable adoption : les parents adoptifs ne peuvent donner leur nom à l’enfant, qui sera donc toujours un SNP…
Je m’étais d’abord orienté vers la directrice d’une pouponnière où étaient élevés des bébés abandonnés, en attendant qu’ils soient adoptés. En tous cas, malgré les préjugés ambiants, on y faisait un beau travail et notamment on écrivait sur un cahier l’histoire du bébé quasiment au quotidien, ses maladies, ses premiers mots, etc…
Mais finalement, je me résolus à filmer des enfants abandonnés qui venaient d’être chassés du Palais du Peuple, résidence du Président de la République aussi, où ils vivaient depuis l’indépendance (ils étaient donc dans la trentaine), et ce par le Ministre des Affaires sociales (qui pour la première fois était une femme). Ces enfants devenus adultes, avaient été répartis entre Oran pour les filles, Alger et Annaba pour les garçons… Naturellement, se considérant tous comme ‘’frères et des sœurs’’, ils s’étaient très vite rapprochés, retrouvés et des mariages s’étaient conclus, en cet immeuble de trois étages qui leur avait été octroyé, où chacun vivait dans une seule chambre, les toilettes et les salles d’eau étant communes.
Avec le film, je voulais surtout casser le tabou qui marginalisait et faisaient souffrir ces enfants-adultes abandonnés, qui presque tous voulaient devenir marins ou l’avaient déjà été. C’est-à-dire partir et vivre loin des hommes… Il y a dans le film des moments magnifiques de violence contenue. Mais certains soutenaient quasi ouvertement le FIS (islamistes), malgré donc le fait que leur statut humiliant provenait de l’islam.
L’avant-première du film eut lieu dans une salle de cinéma d’Alger. Très curieux des réactions du public, presque tous les personnages du film vinrent dans leurs plus beaux habits. Et lorsque durant le débat, une prof de littérature française, très féministe, s’offusqua qu’un d’entre eux avait dit qu’il s’était marié pour que son linge soit lavé et repassé… Le garçon se leva et lui répondit ce que j’avais parfaitement saisi dès le tournage : une manière de dire à une femme je t’aime, dans une société où les mots d’amour n’ont pas cours… Magistrale leçon de choses à une prof ‘’progressiste’’ un peu trop loin de sa société…
Le film ne fut jamais programmé par la TV. Ce qui ne me surprit pas.