Commentaire de l’auteur

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De mère juive, et de père communiste, d’origine espagnole, je suis né en Algérie en 1947. M’étant voulu algérien, et ayant épousé les convictions communistes de mon père, je suis resté en Algérie, après l’indépendance, à la suite de mes parents. Et je n’ai quitté l’Algérie qu’en 1993, menacé par les islamistes. 

J’ai fait ce film afin de comprendre pourquoi durant cinquante ans j’ai occulté le monde juif, le judaïsme, et Israël. M’amputant de que je ne niais cependant pas, être juif, une des conséquences fut que je ne revis plus mon oncle maternel, décédé il y a 14 ans. Il avait quitté l’Algérie en 1961 pour Israël, et je ne connaissais donc pas mes trois cousins.

Mon dernier film ‘’Algérie, histoires à ne pas dire’’, interdit en Algérie parce que pour la première fois étaient évoqués les massacres du FLN contre la population non-musulmane tout au long de la ‘’guerre de libération’’, devenue donc aussi ‘’une guerre d’épuration ’’, fut distribué en France en 2008.

Sélectionné notamment par le Festival international de Jérusalem, quoiqu’hésitant mais encouragé par ma fille, j’acceptai l’invitation, sans imaginer encore que ce voyage allait être le début d’une nouvelle aventure dont mon nouveau film-ci ‘’Israël, le voyage interdit’’  est le témoignage.

A sa manière, ce film est un essai cinématographique sur la ‘’Question juive’’ en forme de road-movie qui consistera à faire d’incessants allers-retours entre ma propre histoire, et la découverte de cette trimillénaire histoire juive qu’il y a encore peu, j’ignorais totalement, et ce tout en intégrant une partie de la diversité ethnique d’Israël (Arabes chrétiens et musulmans, bédouins, notamment).

Je l’ai tourné moi-même durant plusieurs mois, accompagné de ma co-productrice israélienne Ziva Postec, pour la traduction, et de ma fille : transmission vis-à-vis d’elle, ce film l’est aussi vers une jeunesse en manque de repères et de connaissance, comme nous le fûmes tous deux, en ce qui concerne Israël.

Bien que de nature introspective, ce film n’est pas narcissique. Tenant la caméra, l’unique fois où l’on me voit est lorsque je me rends à la tombe de mon oncle à Ashdod : je suis alors filmé par ma fille.

Ce voyage en moi-même est  avant tout une manière de découvrir et de faire découvrir tout ce que par idéologie ou pour des raisons plus obscures, j’avais voulu ignorer : un peuple, ses lieux, son histoire, récente et ancienne, ses croyances…

Etait-ce à cause de ce fardeau qui écrase dès qu’enfant on entend son père dire ‘’israélite’’ pour ne pas prononcer le mot, blessant, juif ? Du fait que l’athéisme paternel me fit réduire le judaïsme à une religion ? Du fait que plus tard, mes parents étant restés en Algérie après l’indépendance, et étant devenu moi-même Algérien, il était impensable même de s’interroger sur les deux mots qui structurent l’hostilité foncière du monde arabe vis à vis des Juifs : sionisme et Palestine ? Ou du fait que tout simplement la ‘’Question juive’’ ne semble toujours pas avoir trouvé de réponse, puisque même des Juifs se demandent aujourd’hui encore si le peuple juif existe réellement ?

Au-delà de mon itinéraire, et de cette longue remise en question de soi, dont le film donnera idée, le spectateur, non-juif, mais aussi juif, est ainsi invité à revisiter ses propres idées vis-à-vis du monde juif et d’Israël, liées le plus souvent à des mots minés, vite figés en préjugés. 

Mais au-delà de la problématique immédiate de ce film, chacun pourra s’interroger sur ses propres tabous, ses dénis, ses autos-censure, ses conditionnements, et sur le travail à faire pour s’en libérer…

Si ce film peut donc être considéré comme une rupture dans mon travail, puisque je m’intéresse à ce que j’avais jusque-là refoulé, il n’en demeure pas moins en continuité avec ma dernière trilogie (Algéries, mes fantômes/ Un Rêve algérien/ ‘’Algérie, histoires à ne pas dire’’), tant pour le contenu (l’identité face à l’Histoire) que surtout pour la forme (road-movie).

Si ma dernière trilogie était en quête de l’utopie paternelle de fraternité multiethnique, cette tétralogie est plutôt une quête de vérité, dédiée à ma mère, à mon oncle, à mes enfants et à Ziva.

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