Habitant Tel Aviv à 200m de deux mosquées, je puis témoigner que ces deux dernières années le volume de l’appel du muezzin a doublé, voire triplé… Exaspéré, j’allais proposer à mes voisins de faire subir à son Maire, Mr Huldai, le même type de protestation, et ce pour la même raison, qu’a récemment endurée son homologue de Jérusalem : réveil brutal vers 4h30 du matin par des hauts parleurs portatifs placés devant sa maison diffusant Chema Israël… Et puis, comme par miracle, est arrivée l’info qu’un projet de loi était en discussion à la Knesset visant à imposer une réduction drastique du volume des hauts-parleurs de toutes les mosquées proches de quartiers non-musulmans, ce qui d’ailleurs est une injustice pour les agglomérations musulmanes pour les travailleurs desquels cet appel est aussi une nuisance grave puisqu’elle interrompt un sommeil indispensable à la récupération de leur force de travail.
En effet, pour avoir habité en Algérie jusqu’en 1993, je puis aussi témoigner de deux ou trois choses… Dès l’indépendance acquise en 1962, certaines mosquées en profitèrent pour décupler le volume, ce qui entraina des luttes de citoyens (musulmans), appuyées par les médias et même par la radio (en français), au terme desquelles elles furent obligées de le ramener à un niveau acceptable pour l’environnement : il faut dire qu’à l’époque les nationalistes remettaient facilement les islamistes à leur place en leur rappelant leur tiédeur dans le combat national… Avec le temps, et la montée en force de l’islamisme dans l’ensemble du monde musulman dopé par la victoire de l’imam Khomeiny au milieu des années 70, commença un lent processus de prise en otage des consciences et des corps qui aboutit un peu partout aux mêmes résultats visibles (démultiplication des mosquées, des barbes sauvages pour les hommes et des camisoles de force pour les femmes) et audibles (précisément le volume des appels à la prière).
Dois-je rappeler ce qu’il advint, en Algérie d’abord dans les années 90, puis ailleurs des années plus tard, durant le ‘’printemps arabe’’, un printemps qui perdure, merci Mr Obama pour le cadeau : une guerre civile qui fit des centaines de milliers de morts…
Comme dans l’ensemble du monde musulman, l’islamisme (c’est-à-dire l’islam originel, lorsque chefs politiques et religieux ne faisaient qu’un) s’est aussi imposé comme force politique chez les Falestiniens. Le Hamas a vaincu le Fatah à Gaza, mais aussi dans les parties contrôlées aujourd’hui par la dite ‘’autorité falestinienne’’, ce qui explique la peur des élections et leur report continuel faisant de son ‘’président’’, Abbas, un potentat illégitime, car il ne fait pas de doute qu’en cas d’élections libres, là comme ailleurs, l’islamisme triompherait et le Fatah serait balayé…
En Israël, bien sûr les choses sont un peu différentes puisque l’islamisme, toléré, est très contrôlé et quand cela s’impose, jugulé (interdiction de sa branche nord, mises au pas des ‘’crieuses’’ provocatrices sur le Mont du Temple, par exemple). Il n’empêche, quelques constatations (inquiétantes) s’imposent.
Ici comme ailleurs, l’islamisme a pris le dessus sur le nationalisme, ce qui s’exprime parfaitement par l’alliance électorale de tous les partis arabes y compris communiste (Hadach), chose inimaginable par le passé, et bien que le président choisi, Odeh, vienne de ce dernier parti, il devient de plus en plus évident que la force de mobilisation de cette coalition prend de plus en plus sa source dans ‘’la défense de l’islam’’ (alors qu’Israël est l’endroit du Moyen Orient où il est le mieux défendu puisque seul pays où les musulmans ne s’entretuent pas… !). Ce qui veut dire qu’à terme, ce sont les islamistes qui tireront profit de cette mise au pas progressive de la société civile et politique, et qui, lorsqu’ils jugeront le moment approprié, prendront directement la direction du mouvement politique au sein de la société arabe israélienne, où les chrétiens sont et seront de plus en plus marginalisés.
En attendant, les communistes du Hadach, et autres nationalistes du Balad, sans doute aussi pour résister au cannibalisme rampant de partenaires qui agissent sur le long terme, font dans la surenchère et la provocation politique au sein même de la Knesset, spectacle que l’Europe aura bientôt à domicile puisque déjà en Allemagne, des Associations d’émigrés demandent la révision de la Constitution !!!
Désormais en effet, ‘’cette coalition arabe’’ tombe le masque : elle se dit ‘’falestinienne’’, et non israélienne ; elle proclame sa solidarité non avec les autres citoyens israéliens, juifs, druzes, etc, mais avec les ‘’falestiniens’’, intra et extra muros ; elle soutient le moral des terroristes ‘’falestiniens’’ emprisonnés ; elle honore de sa présence l’anniversaire de la mort d’Arafat mais refuse de se recueillir devant la dépouille de Shimon Peres ; et elle saisit la moindre occasion pour défier les institutions, à commencer par la Knesset, comme justement à propos de la loi en préparation sur la réduction des nuisances sonores des mosquées où l’on a vu ces députés arabes profiter de leur immunité pour imposer à leurs collègues juifs et druzes un appel à la prière en bonne et due forme, certes sans haut-parleur (rappelons d’ailleurs que réduire les décibels n’est pas une agression contre l’islam, pour la simple raison que chanté à l’origine par voix d’homme, l’appel à la prière s’est longtemps maintenu ainsi, même après l’invention de l’électricité, ce qui avait d’ailleurs son charme).
Si les autorités israéliennes ne se contentaient pas de faire les statistiques des actes de terrorisme, mais aussi de ces provocations en progression géométrique, on prendrait mieux la mesure de ce qu’elle annonce : la rébellion civique, prélude à un autre type d’irrédentisme plus violent qui mènerait certainement à la fin de l’unique modèle de cohabitation judéo-arabe dans le monde que représente Israël. Ce qui mettrait fin aussi, et définitivement, au rêve même d‘une grande Falestine qui irait de Haifa à Hebron, (rêve insensé, mais entretenu par les dirigeants irresponsables de cette coalition, sans parler de ceux du Hamas ou du Fatah.)
Quoi qu’il en soit des années à venir, n’est-il pas temps pour Israël de préserver ce pour quoi elle a été destinée : redevenir l’Etat-Nation (le seul au monde, rappelons-le !) du peuple juif, dans lequel des minorités peuvent coexister pour autant qu’elles respectent cette donnée primordiale ?
Et si dans l’immédiat ses élus et ses Juges se révélaient impuissants à rétablir sa souveraineté en son lieu- symbole, la Knesset, ne pourraient-ils pas, pour éviter qu’elle devienne un Zoo où des fauves sont laissés en liberté, y faire respecter au moins la loi du football, qui donne le droit à l’arbitre de sortir à l’encontre des récalcitrants des cartons jaunes et même rouges, ces derniers excluant du champ de jeu les joueurs gravement fautifs ?
19 novembre 2016, Jean-Pierre Lledo, cinéaste, essayiste