Histoire de la censure en Algérie du film Algérie, histoires à ne pas dire

L’avant –première mondiale du film est programmée à Alger en Juin 2007 dans le cadre de la Manifestation ‘’Alger, capitale de la culture arabe’’ (chaque année un pays arabe organise une tellle manifestation) qui avait accordé une subvention d’environ 30 000 euros (15 000 au début, et 15 000 à la fin qui ne me seront pas versés).

Mais prévoyant que le film serait censuré après la projection, je voulais qu’il soit vu par le maximum de personnes.  Arrivé de Paris depuis le mois d’avril, j’avais, avec le soutien d’amis, minutieusement préparé 3 projections, en reprenant contact avec environ 2000 personnes. Le week-end algérien à cette époque étant le jeudi-vendredi et les journalistes ne travaillant pas le jeudi, j’avais imaginé prendre de vitesse les autorités, avec Alger le mercredi 13 au soir, puis à Constantine, Oran les jours suivants. Et ce d’autant que personne ne demanda un pré-visionnage.

Mais ce plan échoua et par ma faute. Les invitations proposées par la Manifestation étant affreuses (une feuille 21/24 avec un gros cachet), j’en fis faire chez un imprimeur, mais au lieu de me contenter des informations de base – titre du film, quand et où – j’ajoutai une phrase sur le contenu du film : 4 Personnages reviennent sur leur enfance et sur les traces des voisins juifs et chrétiens. Cette invitation est largement dispatchée et quelques jours après je suis convoqué par le responsable de la Manifestation qui me reproche les deux mots : Chrétiens et Juifs

Moi : Mais, le sujet du film tel que formulé dans le scénario, que vous avez accepté c’est  la mémoire de l’Absent, et l’Absent ce sont les Chrétiens et les Juifs ! Le responsable, sans doute agent de la Sécurité militaire, exige alors le DVD du film… Je lui dis d’abord que le film se trouve encore à Paris pour les sous-titres.

Mais comme on se rapproche du 13 juin, et qu’il m’avertit qu’il n’y aura pas de projection si je ne remets pas un DVD du film, je change de parade : « les attributions de votre Manifestation selon le  Journal officiel ne vous autorise pas qu’à attribuer des subventions pour les films choisis par la Commission de lecture, et non à pré-visionner les films terminés. En tant que créateur, je suis contre toute censure et je ne vous donnerai pas le DVD. »

Le matin du 13 Juin, je suis informé de l’annulation de la projection. Je me rends au Ministère de la Culture pour protester et prévenir qu’il y aura 500 personnes dont des nombreux ambassadeurs et agences de presse étrangères. A l’heure dite, il y a effectivement plus de 500 personnes devant la salle de cinéma au Centre culturalo-commercial de Riad El Fath, plusieurs ambassadeurs, et agences de presse étrangères…

Le 14 je suis à Constantine et la projection n’est annulée que deux heures avant la projection et plus de 200 personnes sont là. Le 15 je suis à Oran, la Cinémathèque est fermée, et comme son directeur a fait annoncer par la radio que la projection est reportée, il n’y a personne ! J’alerte mes amis et une heure après le monde arrive. Des agents de renseignements aussi, car dans la ville déserte (moment de la grande prière du vendredi), ils croient à une manifestation…

Les journalistes parlent de censure. Mais comme la Ministre s’en défend : «  On n’a même pas vu le film , le réalisateur a refusé de nous le donner ! »,  et pour lui ôter tout prétexte, je décide de le leur remettre. Le responsable de la Manifestation, que je presse chaque jour, m’assure que la projection aura lieu… bientôt.

Après une semaine, je prends soudain conscience que mon film visionné en haut lieu doit faire enrager et que ma vie est en danger.  La seule manière de me protéger est que le film soit vu par le maximum de gens. Et durant un week-end, j’organise chez un nouvel ami éditeur, 3 projections, où sont invités tous les journalistes et beaucoup d’intellectuels.

Plus loin (Critique cinématographique en Algérie) 4 articles de presse en témoignent.

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