- Le Monde, Thomas Sotinel, 26 février 2008
Ce débat, qui empêche la sortie d’Algérie, histoires à ne pas dire dans le pays qu’il évoque, ne doit pas dissimuler la grande force du film, qui montre comment une parole cherche à sortir du silence, avec ses hésitations, ses lâchetés, sa cruauté et son courage. (…). Le film contribue à nourrir le débat, sans le trancher, sans doute parce que sa raison d’être première n’est pas de faire œuvre d’histoire. Le film de Jean-Pierre Lledo est plutôt comme une fenêtre d’où s’échappent des voix que l’on n’avait pas encore entendues. Et ce sont les mystères de ce discours hésitant, empêché, qui posent les questions les plus ardues. A commencer par celle-ci : comment faire la part de deux éléments récurrents des discours, du plus simple au plus élaboré – la haine du colon qui n’a pas le droit d’être là, et la nostalgie pour un monde où il arrivait que l’on vive en harmonie ?
- Le Canard enchaîné, Jean-Paul Grousset, 27 Février 2008
Un passé qui ne passe pas… Courageusement, JP Lledo prend sa caméra et interroge dans ce documentaire passionnant, quatre témoins privilégiés de l’indépendance algérienne et de sa guerre… (…).Une cohabitation était pourtant possible. Les armes ont parlé. Et la connerie humaine aussi.
- Libération, Edouard Waintrop, 27 février 2008
Jean-Pierre Lledo est, dès l’abord, un pied-noir de type particulier. Il a fait ses classes de cinéaste à Moscou, ses premiers films en Algérie, avant de s’exiler en France lorsque la menace islamiste s’est faite trop précise, en 1993. On ne vit pas une histoire personnelle aussi agitée sans réfuter à un moment ou un autre les mensonges que le destin met sur votre route. Il a donc décidé de dire des vérités peu confortables sous la forme de quatre récits vrais et dérangeants et de portraits étonnants. (…). Il faut prendre au sérieux le titre de ce film : Histoires à ne pas dire. Dans l’Algérie d’aujourd’hui, où les préjugés régressifs renforcent les mensonges officiels, parler des liens noués par les Algériens avec des pieds-noirs ne se fait pas. (…). Rappeler tout ceci ennuie évidemment les autorités. Deux fois déprogrammé dans ce pays, le film a été vilipendé par la ministre de la Culture, accusé de tous les maux et accompagné d’une polémique malsaine….
- Humanité, Dominique Widemann , 27 février 2008
Ici, des hommes et des femmes entreprennent avec courage un trajet de vérité douloureux, chaotique. Le réalisateur leur emboîte le pas, dans une proximité sensible. Tous sont fiers de l’indépendance de leur nation. Et se souviennent. La confusion ne vient pas des souvenirs mais de ce que leurs sources coulaient en souterrain. Les mots, formulés à l’air libre devant caméra et micro, ne sont plus protégés de leur fugacité. Quel pays construire dans l’ignorance et le mensonge ? Les mots qui volent à l’air libre devant micro et caméra, fumées de mémoires fixées sur pellicule pour que les incertitudes s’élèvent jusqu’aux questionnements, que les contradictions pétrissent des vérités humaines, il nous faut à notre tour arpenter le vif de l’histoire, succédant aux pas que trace Jean-Pierre Lledo, cinéaste algérien, amoureux de la fraternité.
- Politis, Ingrid Merckx, 27 février 2008
Pourtant, dans la rencontre, le montage, la manière dont il aborde et rlance ses interlocuteurs, JP Lledo évite la provocation, applique l’inviolabilité de l’autre, même adversaire, affiche sa volonté de mettre au jour sans mettre en accusation. (…). Si chez eux, les témoins font mine de s’en tenir à ce qu’ils ont l’habitude de dire, dehors, le décor les pousse hors de leurs retranchements. Quand ils approchent d’une zone rouge, ils se troublent, font marche arrière…
- Positif, Vincent Thabourey, Février 2008
Au-delà de l’indéniable intérêt historique de cette enquête mémorielle, se dégage une réflexion plus ample, d’essence philosophique.
- Africultures, Olivier Barlet, 6 Mars 2008
La voix d’Hayet Ayad, qui interprète des chants sacrés dans toutes les langues de l’Andalousie historique, ne résonne pas seulement aux douleurs exprimées et aux révoltes, elle est un écho aux images et au rythme de ce film sensible. Car Algérie, histoires à ne pas dire, se démarque nettement par exemple de Le Chagrin et la pitié, ce film qui remua la France de 1969 en brisant le tabou qui entourait la mémoire de la collaboration durant la dernière guerre : Lledo n’a pas la violence de Marcel Ophüls et André Harris qui développaient un regard inquisiteur en jouant du montage et de la caméra, multipliant les gros plans et les plans de coupe, comme s’il s’agissait d’extorquer un aveu, généralisant ainsi le soupçon. Au contraire, Lledo cadre de face ses personnages dans leur environnement, souvent en milieu d’image, en caméra fixe, sans gros plans indiscrets, dans la durée, en de légères contre-plongées qui les campent en dignité. Son commentaire dit d’une voix posée alterne avec les témoignages pour les situer. Sans s’étirer inutilement, le film prend le temps de la remontée de la mémoire, de ces riens de la vie qui enrichissent la parole transmise. (…)
C’est par ce respect des sujets et du sujet que Lledo échappe à l’accusation de manipulation de la pensée dont on veut l’accabler. (…). Avec Algérie, histoires à ne pas dire, Lledo ne fait pas œuvre d’historien mais s’intéresse aux hommes et aux femmes qui partagent une Histoire commune, celle d’un pays meurtri qui a, tout comme la France, bien du mal à regarder en face ses contradictions…
- Télérama, Mathilde Blottière, 1 mars 2008
Pourquoi l’Algérie a-t-elle dilapidé cet héritage d’identités multiples ? Sans jamais occulter le contexte de l’occupation, Jean-Pierre Lledo ose briser les tabous. (…). Parfois, les tabous résistent. L’annulation par le ministère de la Culture algérien d’avant-premières prévues en juin 2007 (pour « apologie du colonialisme ») a ainsi poussé l’un des quatre témoins du film à s’autocensurer. Pour que ce dernier n’apparaisse plus à l’écran, Lledo a dû tronquer la troisième partie de son film, qui revient sur le meurtre d’un chanteur juif à Constantine, en 1961. Sans crainte ni brusquerie, Algérie, histoires à ne pas dire tient pourtant, envers et contre tout, le courageux pari de l’examen critique.
- Inrockuptibles, Vincent Ostria, 27 février 2008
Le film révèle le caractère shakespearien de la guerre, qui fut un Macbeth à l’échelle d’un pays. Pour la première fois, ou presque, des Algériens racontent, sans fard et in situ, ce qu’ils ont vécu ou commis. Non seulement on touche du doigt l’horreur, mais on comprend que la guerre civile des années 1990 fut une réplique du conflit des années 1950-1960.
La proximité des lieux et des protagonistes provoque un choc électrique. En traitant de cas précis, on dévoile les multiples facettes de cette guérilla chaotique. Le documentaire ne fait pas d’angélisme, accumulant sans hiérarchie les témoignages. La complexité fratricide de la guerre d’Algérie ne fait qu’émerger.
- Le Causeur, Maya Nahum, 25-26 Juillet-Août 10
Lledo raconte le bruit, la fureur, et l’horreur. Pendant 2h40, ces Histoires à ne pas dire sont racontées par des personnages tragiques, la grandeur et le malheur se côtoient. Shakespeare nous a enseigné que la tragédie est la condition de l’homme. JP Lledo nous rappelle que notre histoire d’Algérie en est une, de tragédie. (…). Ils égorgent ! Cette barbarie sacrificielle donne la nausée. Au diable la justification du terrorisme au nom de la liberté et de l’indépendance. Au diable les arguments intellectuels sur la juste lutte de tel ou tel peuple. Le sacrifice d’Abraham n’a pas eu lieu. Depuis il est interdit de sacrifier un être humain, si l’on veut être un humain.
- Il était une fois le cinéma, Christophe Chemin, 27 Février 2008
Le film de JP Lledo, troisième d’une trilogie composée du Rêve algérien et Algérie, mes fantômes, traduit avec force et cohérence la complexité de l’Algérie d’aujourd’hui, ballotée entre passé et présent. (…). Tout ce qui fut enfoui ou refoulé jaillit devant la caméra, véritable exutoire et preuve historique de la complexité algérienne. Ce sont les Algériens qui en parlent le mieux. (…).
Algérie, histoire à ne pas dire, est un film puissant. Aussi percutant que S21 de Rithy Panh. Jamais depuis le film du réalisateur cambodgien un documentaire ne fit exploser autant de tabous et suscita un tel émoi. Un tel film est nécessaire pour comprendre les relations entre les Français et les Algériens durant la période sombre de notre histoire commune.
- Cinéma d’hier et d’aujourd’hui, Virgile Dumez, 26 février 2008
Dérangeant, Algérie, histoires à ne pas dire l’est à plus d’un titre. Tout d’abord dans sa volonté affichée d’aller à l’encontre de l’histoire officielle pour mieux cerner la vérité d’un passé trouble. (…). Attaqué par les islamistes, mais également par des républicains, le film a connu de nombreux problèmes. (…).Il tend de nombreuses fois le bâton pour se faire battre, mais il a le très grand mérite de poser des questions pertinentes et d’interroger intelligemment l’histoire.(…). Conteur de vies brisées, Jean-Pierre Lledo signe un grand film douloureux, procès de tous les extrémismes, de tous les nationalismes et de toute forme de terrorisme. Passionnant.
- MCinéma.com, Olivier Pélisson, 27 Février 2008
Avec son traitement frontal et sans fioritures, ce document bouleverse. Les mots sont forts et directs, les visages sans fard, et ce témoignage en marge, subversif et troublant, dynamite les grandes lignes officielles. Au-delà des partis pris et du jugement moral, le film met aussi en relief les contradictions d’un peuple pris en otage, et déchiré par les questions de terre et de légitimité. Un peuple qui a tout fait pour tenter de sortir la tête de l’eau, malgré les oppressions successives. Les blessures profondes sont toujours là, tapies derrière le silence, la colère, l’incompréhension ou le sourire de façade. Le poids de la souffrance engrangée arrive à sortir, parfois. En tout cas, le vent souffle, dans les Aurès comme dans la Casbah d’Alger, et ceux qui se souviennent font lien avec ce qui a été. Un vrai chant d’amour d’un peuple à sa terre.
TéléCinéObs – François Forestier
Passionnante remise en question des années noires, ce long documentaire prêche pour une fraternité basée sur la mémoire. Interdit à Alger, le film suscite des débats, de l’émotion, de la curiosité.
Première – Isabelle Danel :
De cette mosaïque foisonnante (…) naissent des images fortes portant en elles le constat d’un dialogue nécessaire et d’une réflexion à mener tous ensemble.