Entretien avec WAHIBA LABRECHE / liberte, 9/3/2003

“Une Algérie fraternelle était possible”

Un Rêve algérien est une nouvelle page d’histoire que Jean-Pierre Lledo vient de signer. Un film en hommage à toute une communauté de femmes et d’hommes, français et algériens, ayant partagé le rêve d’une Algérie libre et indépendante. Quarante ans après la guerre d’Algérie, Lledo leur donne la parole pour dire les vérités tues et raconter l’histoire, leur histoire.

Pouvez-vous nous parler du film un rêve algérien ?
C’est une sorte d’autobiographie, dans laquelle nous avons essayé de retracer le parcours d’un ancien militant de la cause algérienne. J’ai demandé à Henri Alleg de m’accompagner en Algérie, pays qui l’avait adopté depuis 1939 et pour lequel il était prêt à sacrifier sa vie en 1959, afin d’y retrouver ses anciens compagnons de l’époque coloniale.

Au début, vous avez choisi le titre le prix de rester un homme. Pourquoi l’avoir changé ?
C’est vrai qu’au lancement du film, nous avons opté pour le titre le prix de rester un homme, un extrait de la préface de la question de Jean-Paul Sartre en 1958, mais je voulais personnaliser ces hommes qui rêvaient l’Algérie indépendante. Une formation exceptionnelle alors, toutes ces femmes et ces hommes algériens et français, à échelle réduite, grâce auxquels le rêve est devenu réalité.
Si on avait gardé le titre le prix de rester un homme, il aurait fallu le mettre au pluriel, parce que même à échelle réduite elles étaient nombreuses toutes ces personnes qui ont cru en une Algérie libre et indépendante. Le film m’a également permis de revenir sur les lieux de mon enfance, à Oran.

Quel message avez-vous voulu délivrer à travers ce film ?
Un rêve algérien a une résonance contemporaine ; c’est une façon de revenir à la réalité des choses. Dire que l’identité ne peut être quelque chose de pur, qu’il y a eu des Algériens et des français qui ont constitué une vraie communauté.
Que la mondialisation qui regroupe aujourd’hui les peuples du monde dans un petit village a bel et bien existé en Algérie durant la période coloniale. Une communauté soudée et très fraternelle.
Le film met également l’accent sur la contradiction qu’il y avait à cette époque, car malgré les rapports de domination qui existaient, il y avait en parallèle un autre processus d’entre-aide et de solidarité.
Henri Alleg et ses compagnons sont la preuve que face aux clivages ethniques, une Algérie fraternelle était possible. J’ai essayé de raconter l’histoire de gens exclus et marginalisés depuis longtemps et qui reviennent en scène.

Avez-vous rencontré des difficultés ?
Sur le plan financier non, parce que le film est produit par plusieurs boîtes : Maha production (France), Tarantula (Belgique), Naouel films (Algérie) et coproduit par France 2 cinéma, avec la contribution de plusieurs organismes dont le Fonds Eurimages de l’Europe, le Centre national de la cinématographie de France et le Commissariat de l’année de l’Algérie en France.
Mais nous avons eu d’autres problèmes. Comme vous le savez les acteurs principaux de ce film-documentaire ont plus de soixante-dix ans ; alors le tournage n’a pas été très facile.

Quand est-ce que vous prévoyez la sortie du film ?
D’ici une semaine ou deux, nous aurons la copie finale du film. Nous allons le sortir dans les festivals, puis nous le lancerons au début de l’automne.

Vous avez reçu l’aide de l’Année de l’Algérie en France, est-ce que le film est programmé dans ce cadre ?
Oui, nous avons un contrat qui stipule que le film doit être programmé dans ce cadre.

Un dernier mot.
J’espère que mon film Lumière produit en 1998 par le CAIIC sortira en Algérie. C’est vraiment un problème qu’un film financé par des algériens ne sorte pas dans les salles et qu’il moisisse dans un laboratoire italien.
C’est le cas aussi pour l’Empire des rêves. Après la dissolution du CAIIC, les négatifs des films sont restés dans les laboratoires. Le liquidateur public n’étant pas habilité à demander des copies, les films sont restés coincés.

W. L.

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