31 Octobre 1947, né à Tlemcen, ville maternelle (très forte présence juive). Mère juive d’une origine très ancienne, antérieure à l’islam. Père d’origine catalane et catholique.
Avril 1948 – Juin 1957, Enfance à Oran, ville paternelle très espagnole et aussi très juive... Rue Meyer dans le quartier Sananes en face du Jardin Public. Une vingtaine de très petits appartements de 2 pièces. Dominante musulmane. Ecole Magnan. Meilleur ami : Smain Abdelkader. Père syndicaliste et communiste : responsabilité dans le syndicat CGT et le PCA.
Expulsé du département d’Oran en 1956, en raison de ses activités ‘’perturbatrices’’ à la tête du syndicat de l’entreprise Borie qui réalise des abris sous-marins dans le port militaire de Mers el Kebir (plus de 2000 travailleurs), et ce alors que la guerre d’Algérie a commencé et que le réseau communiste oranais sera bientôt démantelé.
1957 – 1962. Alger. Habite Belcourt (d’abord Rue Mozart puis la Cité des Mouriès). Ecole Darwin (dont parle Boualem Sansal dans son roman éponyme). Lycée du Champ de Manœuvres (6ème, 5ème, 4ème). Meilleur ami : Mohamed Benmouma.
Les ‘’Accords d’Evian’’ du 19 Mars 1962 censés mettre fin à la guerre d’Algérie, déclenche une violence inouie dans les grandes villes, de la part du FLN et de l’OAS qui tente de s’opposer à la mise au ban du peuple non-musulman.
Je ne suis pas à Alger au moment de l’indépendance car le patron de l’entreprise où travaille mon père (Potasses d’Alsace), voulant conserver ses employés européens, a envoyé leurs familles dans un village d’Ardèche (Joyeuse) de Juin à Septembre 1962.
1962 – 1966. Après l’indépendance nous habitons près du Centre-ville, Rue Horace Vernet (dans l’immeuble où Ben Khedda, l’ex-président du GPRA écarté par le Chef d’Etat Boumedienne, possède un entrepôt pharmaceutique). Lycée français Victor Hugo. Baccalauréat (Sciences-Ex) en 1966.
Le Code de la nationalité considérant que seuls les musulmans sont algériens automatiquement, mon père en fait la demande et l’obtient après une année. Contrairement à ses camarades non-musulmans qui se sentant humiliés quittent l’Algérie.
Fréquentation assidue du Ciné Pop de René Vautier, rue Horace Vernet, et de la Cinémathèque (ex Le Club), rue Larbi Ben M’Hidi (ex Isly).
Avec Lucien Sportisse, meilleur ami, crée un Cercle d’études marxistes. Adhère à l’UNLCA en 1963 (organisation de lycéens).
Le coup d’Etat de Boumediene du 19 Juin 1965 annule le Festival Mondial de la Jeunesse qui devait avoir lieu en Août, et à l’organisation duquel je m’étais fortement impliqué. Les communistes devenus opposants sont réprimés. Je mets des tracts de l’ORP (organisation de la résistance populaire) dans des boites aux lettres.
Octobre 1966. Je saisis l’occasion d’une bourse pour aller à Paris. Campus de Nanterre. Inscrit en russe à Langues’O et en littérature russe à Nanterre. Mon objectif étant de vérifier si je me sens français ou algérien, je me décide assez vite et début 67 j’adhère à l’UNEA (organisation des étudiants algériens, interdite en Algérie pour sa dénonciation du coup d’Etat de 65) et au PAGS (parti de l’avant-garde socialiste) qui vient d’être créé et qui se veut le continuateur du PCA.
Témoin extérieur du démarrage du Mouvement du 22 Mars (1967) animé par Cohn Bendit, puis de Mai 68.
Octobre 69 – Juin 1976. Bourse à Moscou obtenue par le PAGS pour des études de Cinéma. Après la 1ere année de langue russe, admis après concours au VGIK (le plus grand institut de cinéma en URSS), dans l’Atelier de mise en scène fiction de Mikhail Ilitch Romm, le dernier des cinéastes de la première vague soviétique (Eisentstein, Poudovkine, etc…).
Mariage en Juin 1971 avec Rachida Mekki, étudiante algérienne en médecine, arrivée comme moi avec une bourse obtenue par le PAGS, et naissance de Serge en Octobre.
Notre double militantisme au sein du mouvement étudiant algérien en URSS (plus de 800 étudiants) à l’UNEA et au PAGS nous valent d’être inscrits sur une liste noire de la Sécurité Militaire algérienne et de ne plus pouvoir rentrer en Algérie durant les études.
Août 1976. Retour à Alger, après avoir reçu l’assurance à Paris que je ne serai pas refoulé à mon arrivée. Introduit par un ami du directeur général Abdelhamid Laghouati, je suis recruté comme réalisateur à l’ONCIC, unique société cinématographique d’Etat.
1976 – 1993. Un de mes premiers gestes est de déposer au Ministère de la Justice une demande de nationalité algérienne. Il me faudra attendre 4 années pour l’obtenir, et ce malgré de nombreuses interventions de gens ‘’haut placés’’.
Recrutée par la Sécurité Sociale comme médecin du travail Ma femme obtient un logement au Centre Familial de Ben Aknoun, un ex-Centre de vacances pour les familles démunies construit en 1949, en périphérie d’Alger. Y habitent aussi une cinquantaine d’exilés politiques de toute l’Amérique latine, ainsi que le grand écrivain Kateb Yacine.
Naissance de ma fille Naouel en Septembre 1977. Mon fils Serge mis à l’école algérienne du quartier est victime de diverses discriminations de la part des éléves et des instituteurs dont l’un l’appelle ‘’Mohamed’’. Naouel aussi fera l’école algérienne jusqu’en première.
Presque tous mes films (2 fictions et une douzaine de documentaires) sont victimes de censure, à quelque niveau que ce soit, du scénario au film fini, des festivals à la diffusion publique.
Collabore à la revue de cinéma ‘’Les 2 Ecrans’’ du début à sa fin (1978-1984). Interventions fréquentes dans la presse au sujet de la politique nationale en matière de cinéma, et sur des sujets politiques après la fin du parti unique en 1989.
Toujours militant du PAGS (clandestin) et un des animateurs de l’UAAV (association des cinéastes qui refuse la tutelle du FLN, elle disparaît en 1985). Un des principaux rédacteurs de sa revue ‘’Expressions’’ (tirée a 3000 ex !).
De 1983 à 1992, un des principaux animateurs du RAIS (Rassemblement des artistes, intellectuels et scientifiques), dont l’objectif est la défense de la liberté d’expression. Il fait reculer la censure et libérer de nombreux intellectuels.
1988. Suite aux révoltes d’Octobre 1988 (manipulées par la Sécurité Militaire) et aux tortures massives qui s’ensuivent, je suis membre fondateur du Comité National Contre la Torture, dont le président, le Dr Belkhenchir, sera assassiné l’été 1993. Les ‘’Cahiers d’Octobre’’, recueil de témoignages des victimes, dont certaines castrées, arrivent à être publiés.
1989. Signature par plusieurs milliers d’intellectuels d’un Manifeste pour la tolérance que je rédige, remis le 14 Décembre 1989 au Président de l’Assemblée Nationale, alors qu’à l’extérieur 3000 personnes crient les premiers slogans anti-islamistes. Une semaine après, démonstration de force des islamistes : 300 000 personnes ramenées de partout défilent dans Alger.
Janvier 1991, je démissionne sans regret du PAGS que je trouve de plus en plus inféodé à l’armée, et depuis la fin de la clandestinité en Janvier 1989, j’ai eu le temps de découvrir que la Sécurité Militaire avait infiltré très massivement notre parti, y compris au niveau de sa direction.
Début 1993. L’islamisme empêché de prendre le pouvoir en 1992, se lance dans la lutte armée et prend d’abord pour cible les intellectuels. Membre fondateur du Comité Tahar Djaout, après l’assassinat de l’écrivain en fin Mai 1993. Un de ses 22 membres fondateurs, le psychiatre Pr Mahfoud Boucebsi, est assassiné une semaine après,.
Menacé aussi, je suis placé sous garde policière, et poussé par des amis et famille, je quitte Alger le 30 juin 1993. 5 jours après, des faux flics arrivent jusqu’à chez moi où il n’y a personne. Ce jour-là, le 5 Juillet, 67 intellectuels et militants sont ciblées et assassinés à Alger.
Juin 1994. Je retourne en Algérie (au plus fort du terrorisme islamiste), pour filmer durant 3 semaines d’est en ouest (je me déplace en avion) ‘’Chroniques Algériennes », chronique de la résistance citoyenne à l’intégrisme.
1993 – 2008. Habite avec ma famille à Montreuil. Rachida devient experte en conditions de travail. Serge retourne en Algérie en 1999, lorsque le terrorisme islamiste disparait des grandes villes. Directeur de Production dans mon film ‘’Algérie, histoires à ne pas dire’’, cela devient sa profession. Naouel, avec son diplôme d’ingénieur en Génie marin, est recrutée en l’an 2000 par une multinationale du off-shore à Monaco.
Rapidement happé par la thématique traumatisante de l’échec de l’utopie communiste d’une Algérie multiethnique, j’opte pour le documentaire afin d’aller en quête d’une mémoire refoulée, et en Algérie, censurée.
Aboutissement de ce parcours cinématographique, mon dernier film ‘’Algéries, histoires à ne pas dire’’, tourné en Algérie, y est interdit au moment de sa sortie en Juin 2007, et le demeure. Les 4 épisodes de films sont consacrés à des actes de terreur menés par le FLN durant la guerre d’Algérie, transformant le but proclamé, la libération, en un autre, avoué plus tard, l’épuration des non-musulmans. Hormis quelques jounalistes, les intellectuels
Juillet 2008. Ce dernier film sélectionné par de nombreux festivals, l’est aussi par celui de Jérusalem. Après avoir hésité, et encouragé par ma fille qui m’y accompagnera, j’accepte l’invitation, mettant ainsi fin à un boycott personnel d’Israël de près de 4 décennies puisque mon oncle maternel qui y habitait depuis 1961 m’y avait invité au début des années 70.
2008 – 2011. Ce bref séjour me fait comprendre que je ne savais rien d’Israël et que mon refoulement de ce pays n’était fondé que sur des préjugés provenant des milieux communiste et algérien au sein desquels j’avais évolué.
Durant deux ans, je dévore tous les livres dédiés à l’histoire récente et ancienne de ce pays et du conflit avec le monde arabe. Je commence aussi à découvrir le judaïsme. Je visite Israël avec ma fille à deux reprises.
Je suis invité en Octobre 2010 à présenter en Israël ma Trilogie sur l’Exil (mes 3 derniers films) par l’Institut Français qui les sous-titre en hébreu. Les Cinémathèques israéliennes acceptent aussi de les programmer en Janvier 2011.
Nait l’envie de faire un film autobiographique où je raconterais le changement de mon rapport au pays jusque-là refoulé. Le CNC français sélectionne mon projet pour une aide à l’écriture mais me refusera l’Aide à la Production. Même refus des autres sources de financement public du cinéma français qui avaient pourtant soutenu mes films précédents.
2011. Je divorce en 2011. Et fais mon alya en Aout de cette même année. Décision précipitée par ma rencontre avec Ziva Postec, réalisatrice qui fut monteuse puis chef-monteuse durant 25 ans en France, notamment du film ‘’Shoah’’.
2012. Je décide malgré tout de commencer sans tarder le tournage tout au long de l’année, accompagné de ma fille Naouel qui sera devant la caméra, et de Ziva qui aura la triple casquette de traductrice durant le tournage, de productrice et plus tard de chef monteuse. Je filme 250 heures. Auxquelles s’ajouteront plus tard 30 autres heures.
2013 – 2015. Recherches de financements. Des subventions israéliennes et de petits sponsorings nous permettent d’entamer les travaux préliminaires de montage. Ziva devenue réalisatrice après son retour en Israël ne s’étant pas reconvertie au montage virtuel, nous devons engager un assistant qui soit trilingue…
2015 – 2018. Ayant pensé au départ à un film très long d’environ 4h, je réalise assez vite, en écrivant les scénarios de montage, qu’il me faut faire quatre films. Un sponsoring conséquent de la Fondation Lina et Patrick Drahi nous permet d’envisager la fin du montage des quatre parties fin 2018.
2019 – Post–production (3 Studios : sous-titrage en 3 langues des 4 parties, Montage et Mixage Son, Etalonnage, DCP, etc ). Faute d’un nouveau sponsoring pour payer ces 3 Studios, un Appel à soutien est lancé.
2020. La première partie d’ ’’Israël, le voyage interdit’’, d’une durée totale d’environ 11 heures (en quatre parties : Kippour, Hanouka, Pourim, Pessah), est projeté le 28 janvier, en Avant-première devant 500 personnes au Forum des Images, à Paris.
http://films.nfb.ca/art-du-reel/director.php?id=13
https://capturingreality.nfb.ca/filmmakers/jean-pierre-lledo/?v=0