Le 13, 14, 15 Juin 2007, les trois avant-premières du film présentées en avant-première mondiale, programmées et annoncées par voie de presse, dans 3 des villes du tournage, Alger, Constantine et Oran, ont été interdites au dernier moment par le Ministère de la Culture.
Près de 2000 spectateurs avaient répondu aux invitations. Des centaines se sont malgré tout rendus devant les salles et par solidarité avec l’auteur y sont demeurées plusieurs heures.
Suite à cette triple annulation, des projections privées ont pu avoir lieu le 29 et le 30 Juin, auxquelles ont participé des journalistes de la presse arabophone et francophone, des universitaires, de représentants de l’Eglise algérienne, des historiens, des hommes politiques, des militaires, des responsables du FLN historique et des acteurs de la guerre d’indépendance.
L’auteur a donné une conférence de presse à la Maison de la Presse à Alger, le Mardi 3 Juillet 2007. Suivent quelques extraits du Communiqué.
… Mon essai cinématographique est fondé sur une manière de pratiquer le documentaire qui est la mienne depuis plus d’une décennie, et qui consiste à refuser les paroles stéréotypées du discours officiel des « chefs », et à ne faire confiance qu’aux récits d’individus.
… Les 4 histoires de ce film montrent que contrairement à ce qui s’est souvent dit tant en France qu’en Algérie, la violence intercommunautaire n’a pas été la règle, mais l’exception, des exceptions qui certes se sont multipliées durant la guerre 54-62.
Le film, au travers de ces 4 histoires, pose aussi certes pour la première fois dans le cinéma algérien les questions suivantes :
Pourquoi le 20 Aôut 1955, l’ALN a-t-elle désigné le « gaouri » comme l’ennemi à abattre ?
Pourquoi durant la Bataille d’Alger, le « gaouri » a été visé en tant que tel, au facies, par des bombes, au lieu par exemple des institutions militaires ?
Pourquoi à Constantine, le Maître juif de musique andalouse Raymond assassiné le 22 Juin 1961, n’est pas représenté sur un Mur du Centre-ville, aux côtés des 5 autres Maîtres musulmans du malouf, dont certains furent ses amis ?
Pourquoi le 5 Juillet 1962 à Oran, à Oran uniquement dans toute l’Algérie, dans presque tous les quartiers d’Oran, et au même moment, du matin au soir, a-t-on massacré les « gaouri » au facies ?
Beaucoup d’Algériens se sont déjà posées ces questions (le Congrès de la Soummam en 1956 avait critiqué les exactions contre les civils) et continuent de se les poser.
En les posant à mon tour, par le biais du cinéma, je ne considère pas porter du tort à mon pays. Au contraire. Vider les poches de pus que portent en elles toutes les sociétés du monde a toujours été une œuvre de salubrité publique.
L’Algérie, comme d’autres pays a eu ses histoires sombres. Pas plus que les cinéastes français ne ternissent l’image de la France, lorsqu’ils évoquent la torture durant la guerre en Algérie, ou d’autres côtés sombres de l’Histoire de leur pays, je ne considère avoir terni l’image du mien.
Laisser aux autres le soin d’évoquer nos ombres, c’est cela qui affaiblit notre pays.
Je ne considère pas que le devoir des intellectuels de tous les pays soit de sacraliser ou de glorifier ses chefs, ou de renforcer les Mythes. Ceux qui le font ne rendent service qu’aux chefs, non à leur peuple.
Nulle part la liberté d’expression n’a été accordée facilement par les Etats.
Il revient donc à tous les artistes, intellectuels, et à l’ensemble de la société civile de réagir, pour défendre les droits constitutionnels au libre accès à l’information et aux œuvres d’art, le droit à la libre expression et la liberté de création.
Ils doivent donc savoir que le visa d’exploitation commerciale, habituellement simple formalité, et dont j’ai fait la demande pour distribuer le film en salles ne m’a toujours pas été accordé.